Lundi 24 novembre, le conseil municipal de Paris a voté le retour de la distribution de l’eau en régie municipale. La ville de Paris va créer un établissement public industriel et commercial (EPIC) qui reprendra à partir de janvier 2010 les activités de production assurée actuellement par Eau de Paris une société d’économie mixte détenue à 70% par la Ville et celles de distribution confiées jusqu’à fin 2009 à Suez Environnement et Véolia. Ce choix est éminemment politique puisqu’il s’agit pour la municipalité de gauche de « soustraire au privé la gestion d’une ressource qui fait partie des biens communs et qui n’est pas une marchandise comme les autres ».Il permettra selon Le Figaro d’économiser 30 millions d’euros par an pour un chiffre d’affaires de 230 millions d’euros. Rappelons que la privatisation avait été décidée en 1984 par Jacques Chirac.
Régie municipale ou gestion privée ?
Le débat fait rage pour la région parisienne. Les élus de gauche minoritaires et des associations appellent au retour en régie municipale du Syndicat des eaux d’Ile de France (SEDIF) présidé par le maire d’Issy les Moulineaux, André Santini (nouveau centre) et qui confie la distribution de l’eau à 144 communes au groupe Véolia jusqu’à fin 2010. Le 11 décembre, la majorité de droite devrait approuver le projet de reconduire le système de délégation au privé.
En France, un nombre croissant de villes sont tentées par la remunicipalisation de la distribution de l’eau mais seulement une cinquantaine ont franchi le pas dont une seule grande ville, Grenoble. Pourtant, il semble que ce système permet de réduire notablement la facture. Selon une étude de l’INRA de 2004, dans les villes de moins de 10 000 habitants, les prix étaient 15,2% plus élevés en gestion privée. Quant à l’UFC Que Choisir, elle dénonce régulièrement le manque de concurrence (en 2004, dans 28% des appels d’offres, une seule entreprise a répondu) et les surfacturations. Elle estime par exemple celles-ci à 96 millions d’euros pour un marché annuel de 300 millions au SEDIF. Par ailleurs, selon une de ses études, les villes pratiquant des prix raisonnables sont en régie municipale (Grenoble, Chambéry, Clermont-Ferrand, Annecy). Autres exemples, la Communauté urbaine de Bordeaux a obtenu fin 2006 plus de 230 millions d’euros de la Lyonnaise des Eaux (Suez Environnement) suite à un audit pointant les énormes profits de l’entreprise. La Communauté urbaine du Grand Lyon a elle, obtenu une baisse de 16% du prix de l’eau de Véolia fin 2007.
Malgré ces abus, l’eau en France est moins chère que chez ses voisins européens [voir l’étude publiée par la FP2E (Fédération Professionnelle des Entreprises de l’Eau) en Octobre 2008].
Pour terminer en élargissant le débat à la planète, je voudrais signaler le reportage d’Irène Salina Pour l’amour de l’eau diffusé sur ARTE le mardi 18 novembre. Fruit de 3 ans d’enquêtes, il dénonce notamment la privatisation des réseaux d’eau encouragée par la Banque Mondiale au profit de quelques multinationales (dont 2 françaises) et ceci au détriment des plus pauvres. Mais l’eau représente la troisième industrie mondiale après le pétrole et l’électricité ; de plus, son caractère vital et sa raréfaction en feront à court terme la première ressource potentielle de profits au monde. Business is Business !!